Laboratoire
Matières radioactives naturelles (MRN)
déc. 9 2013
L’air, l’eau, le sol et la roche contiennent naturellement des radionucléides. Ceux-ci proviennent d’éléments présents lors de l’évolution terrestre, soit l’uranium, le thorium et le potassium-40. Les matières radioactives naturelles (MRN) sont répandues en petite quantité dans l’environnement. On en retrouve dans la roche, les matériaux de construction et même dans notre corps puisque nous les respirons dans l’air et que nous en ingérons dans la nourriture et l’eau. La figure 1 ci-dessous montre que la majorité de l’exposition humaine à la radioactivité provient de sources naturelles (76 %), tandis qu’une moindre quantité (24 %) est d’origine anthropique [1].
Figure 1 : Exposition annuelle moyenne des Canadiens au rayonnement ionisant
Lorsque l’activité humaine concentre les MRN ou les altère de telle manière que l’exposition des personnes ou de l’environnement augmente, on parle alors de matières radioactives naturelles améliorées technologiquement (MRNAT). Les activités courantes qui génèrent des MRNAT comprennent : la production de pétrole et de gaz, l’extraction et le traitement des minéraux et la fabrication de fertilisants à base de phosphate.
Gestion des MRN
Les MRN sont réglementées au Canada au niveau provincial et dans les territoires, d’ordinaire en conformité avec les Lignes directrices canadiennes pour la gestion des MRN (Santé Canada). Les recommandations indiquent que les MRN dont la dose associée est de moins de 0,3 mSv/année peuvent être libérées sans restrictions radiologiques. Le tableau 1 ci-dessous montre les limites de rejet dérivées inconditionnelles (LRDI) de MRN diffuses.
Tableau 1 : LRDI de MRN diffuses [2]
RADIONUCLÉIDES | LIMITE DE REJET DÉRIVÉE | |
---|---|---|
Solides (Bq/kg) | Liquides (Bq/L) | |
Uranium-2383001 | 300 | 1 |
Thorium-232 | 300 | 1 |
Potassium-40 | 17 000 | Sans objet |
Radium-226 | 300 | 5 |
Plomb-210 | 300 | 1 |
Radium-228 | 300 | 5 |
Thorium-228 | 300 | 1 |
Production de pétrole et de gaz
On trouve des MRN dans les liquides et les gaz des formations pétrolières géologiques. Les déblais de forage, les liquides, la boue, la saumure et l’eau de reflux, ainsi que le pétrole, le gaz et l’eau produite peuvent donc être radioactifs. Plus l’eau coproduite est saline, plus il y a de chances que les MRN soient mobilisées.
Le radium est le principal radionucléide associé aux MRNAT dans la production du pétrole et du gaz, à la fois en tant que source de radiation dans le tartre et la boue et comme source de radon. Le radon est transporté sous forme de gaz en aval de son parent radium-226 et se dépose sous forme de plomb-210 et de polonium-210 dans les tuyaux. La figure 2 ci-dessous montre les concentrations potentielles de radionucléides. L’énergie d’ionisation provenant de ces radionucléides présente des risques pour la santé des travailleurs, surtout lors du transport des déchets, de l’entretien des tuyaux, de leur manutention ou de leur mise hors service. Elle présente également un risque pour la population suite à des déversements et à une élimination inadéquate ou traitée de façon incomplète.
Figure 2 : Les radionucléides communément associés à la production de pétrole et de gaz [3]
Analyse des MRN dans la production de pétrole et de gaz
Bureau Veritas recommande comme première étape la spectrométrie gamma pour l’analyse des principaux radionucléides naturels, soit Ra-226, Ra-228 et Pb-210. Ces mesures peuvent ensuite être utilisées pour évaluer les matériaux selon les limites de rejet dérivées inconditionnelles des MRN pour le tartre, la boue de forage, les déblais, les boues, l’eau, l'eau de reflux ou les saumures. D’autres techniques d’analyse pourraient aussi être nécessaires.
Extraction et transformation des métaux
L’extraction et la transformation des minerais peuvent générer de grandes quantités de déchets de MRNAT dans les résidus miniers et scories de fonderie, ou dans certaines concentrations. Bien que toute extraction ou toute transformation de minerais puisse générer des MRNAT, celles-ci sont toujours associées :
- aux métaux des terres rares (MTR) parallèlement à l’uranium et au thorium. La production de MTR génère habituellement de grandes quantités d’hydroxyde de thorium et de résidus qui contiennent du plomb-210 et du radium.
- au minerai de titane contient souvent des taux élevés de thorium et d’uranium qui ont été concentrés pendant la transformation.
- au tantale est associé au niobium et sa concentration par prospection gravimétrique retient les contaminants radioisotopes dans la concentration.
- au traitement du zirconium enferme les radionucléides contaminants, lesquels peuvent aussi être trouvés dans la concentration.
Analyses des MRN dans l’extraction et la transformation des métaux
Bureau Veritas recommande comme première étape la spectrométrie gamma pour l’analyse des principaux radionucléides naturels, soit Ra-226, Ra-228 et Pb-210. Ces mesures peuvent ensuite être utilisées pour évaluer les matériaux selon les limites de rejet dérivées inconditionnelles des MRN pour les concentrations solides, les déblais et l’eau. Pour les échantillons traités, il est utile de déterminer l’activité de l’uranium-238 et du thorium-232 en utilisant l’activation neutronique pour obtenir les concentrations des radionucléides parents dans la chaîne de désintégration. La densité du matériau influence la caractérisation par spectrométrie gamma et on doit généralement utiliser une sélection étendue avec une poudre finement divisée pour ce type d’échantillon. D’autres techniques d’analyse pourraient être nécessaires pour dépister la radioactivité.
Produits de consommation
De nombreux matériaux de construction, tels que le granit, le béton, les plaques de plâtre, les tuiles de plafond et les briques réfractaires peuvent contenir des niveaux élevés de radionucléides, en particulier le radium-226, le thorium-232 et le potassium-40. Les matériaux peuvent être analysés avant d’être utilisés pour des projets de construction dans l’objectif de déterminer le niveau d’activité et d’exposition humaine. Ils peuvent aussi être analysés lors de la démolition ou avant d’être jetés pour s’assurer que les limites de rejet dérivées inconditionnelles énoncées dans les directives canadiennes ou autres applicables pour la gestion des MRN sont respectées et que les matériaux peuvent être envoyés dans des sites d’enfouissement. La radioactivité des matériaux de construction peut grandement varier en fonction de la source des matières premières utilisées, comme indiqué dans le Tableau 2 ci-dessous.
Tableau 2 : La radioactivité des MRN dans les matériaux de construction (Bq/kg) [4]
MATÉRIAU | Ra-226 | Th-232 | K-40 |
---|---|---|---|
Béton | 1-250 | 1-190 | 5-1570 |
Briques d’argile | 1-200 | 1-200 | 60-2000 |
Phosphoypse | 4-700 | 1-53 | 25-120 |
Ciment | 7-180 | 7-240 | 24-850 |
Carreaux de céramique | 30-200 | 20-200 | 160-1410 |
Fertilisants
Les roches phosphatées utilisées dans la production de fertilisants sont une source de MRN. La radioactivité des minerais peut être forte en raison de l’uranium, du thorium et du radium. Les traitements à l’acide sulfurique renforcent les concentrations dans les minerais enrichis, retenant le radium-226, le thorium-226 et l’uranium-238.
Déchets et recyclage
La majorité des sites d’enfouissement des déchets sont maintenant équipés de moniteurs-portiques pour détecter la présence de radioactivité dans les matériaux à éliminer. Ces détecteurs, bien souvent, indiquent le niveau général sans identifier les radionucléides présents. Les déchets tels que la céramique, la brique, le ciment et les pierres peuvent déclencher les moniteurs de radioactivité dans les sites d’enfouissement.
Analyse des MRN dans les déchets ou le recyclage
Bureau Veritas recommande comme première étape la spectrométrie gamma pour l’analyse des principaux radionucléides naturels préoccupants. Il est parfois difficile d’obtenir un échantillon représentatif pour plusieurs déchets mélangés. Bureau Veritas effectue ces analyses avec des échantillons importants de 500 g pour minimiser le biais de sous-échantillonnage. Les matériaux peuvent être éliminés normalement s’ils sont sous les limites de rejet dérivées inconditionnelles énoncées dans les Lignes directrices canadiennes pour la gestion des MRN.
Références
[1] Adapté du document de la Commission de contrôle de l’énergie atomique, Canada : vivre avec le rayonnement, 1995.
[2] Lignes directrices canadiennes pour la gestion des matières radioactives naturelles (MRN), Santé Canada, 2013.
[3] Douglas Chambers, 2013
[4] L’Agence internationale de l’énergie atomique, Technical Reports Series no 419 (2003).