Laboratoire

L’échantillonnage Non Létal Des Poissons Pour Les Métaux

mar. 3 2019

Les données obtenues sur l’exposition des poissons à certains agents comme les polluants anthropiques sont utilisées pour protéger à la fois la santé des écosystèmes aquatiques et celle des humains qui consomment du poisson. Mais les méthodes conventionnelles d’échantillonnage des tissus exigent que les organismes soient morts.

Historiquement, des milliers de poissons ont été capturés annuellement pour être utilisés dans le cadre des programmes de surveillance, surtout pour la détermination des métaux lourds. Un nombre important d’échantillons de poisson de chaque site sont nécessaires pour que les ensembles de données soient fiables et significatifs. On craint cependant de plus en plus que la capture massive d’espèces sélectionnées puisse en soi nuire à la durabilité des environnements étudiés. Compte tenu de ces réalités, on observe un intérêt grandissant pour la recherche de méthodes d’échantillonnage non létal valides pour les tissus de poissons.

Échantillonnage non létal des tissus

Une technique consiste à prélever un fragment de tissus par biopsie sur un poisson sous sédatifs. La plaie est ensuite refermée et le poisson remis en liberté. On utilise de l’équipement et des fournitures propres pour chaque échantillon, de manière à réduire les risques de contamination. Des études montrent [1] que l’échantillonnage non létal par biopsie, l’objet du présent bulletin technique, n’affecte pas la survie des poissons. Il a ainsi été possible de mettre en place des politiques qui visent à interdire ou à restreindre sévèrement les méthodes létales d’échantillonnage du poisson, mais qui respectent aussi les objectifs des sites en matière de surveillance des contaminants.

Renseignements généraux

Les techniques d’échantillonnage des tissus de poisson ont toujours été simples. Un spécimen est capturé, disséqué pour le prélèvement des tissus concernés ou encore utilisé entier et analysé pour les paramètres d’intérêts. Les laboratoires ont généralement besoin jusqu’à 25 g de tissus pour réaliser toutes les analyses nécessaires. Pour les métaux lourds seulement, on doit parfois prélever de 2 à 5 g de poisson.

Le défi principal des analyses de fragments de tissus par biopsie est d’en arriver à produire des données fiables et probantes pour les faibles concentrations de métaux (trace) à partir d’un échantillon de très petite taille (entre 100 et 500 mg), la quantité normale récoltée par une biopsie.

C’est pourquoi les scientifiques de Bureau Veritas ont travaillé fort pour valider des méthodes qui permettent de mesurer de faibles concentrations de métaux dans des fragments de tissus de 0,1 à 0,5 g seulement. Ces méthodes respectent les limites de détection pratiques et répondent aux exigences de la majorité des permis et des programmes de surveillance aquatique.

Procédure d’échantillonnage [2]

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Biopsy punch

 

1. Choisir la bonne taille de pinces à biopsie puisqu’elles donnent des échantillons de différentes grosseurs.
Une pince de 8 mm donne un fragment de tissus d’environ 300 à 400 mg.
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Catching fish

 

2. Capturer un poisson assez gros pour minimiser le stress et les dommages causés par le prélèvement.
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Emplacement de la pince
3. Retirer les écailles sur une petite surface de la face dorsale antérieure gauche.
Insérer une pince à biopsie avec un léger mouvement de torsion dans la zone sans écailles.
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Inserting punch into fish

 

4. Une fois à l’intérieur, pencher ou tordre légèrement les pinces pour détacher le fragment de tissus.
Retirer les pinces et veiller à ce que le fragment de tissus reste à l’intérieur.
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Punch sampling vial

 

5. Placer les pinces et le fragment qu’elles contiennent dans le flacon d’échantillonnage en plastique fourni.
Déposer le flacon sur de la glace, dans une glacière, aussitôt que possible après l’échantillonnage.
Les échantillons doivent être congelés dans les 48 h suivant leur prélèvement.
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Releasing fish

 

6. Appliquer généreusement un antibiotique sur la cavité créée par les pinces et autour de cette dernière et relâcher le poisson.

Analyse des échantillons

Au laboratoire, la totalité du fragment est transférée dans un flacon pour la digestion avant d’être pesée. À ce stade, l’échantillon est lyophilisé et traité en poids sec, le pourcentage d’humidité est déterminé lors du processus. À moins qu’un composite soit créé à partir de plusieurs échantillons, il n’est pas nécessaire d’homogénéiser l’échantillon puisque ce dernier est digéré et analysé en entier.

Les échantillons sont généralement digérés à l’aide d’un mélange d’acide nitrique, d’acide chlorhydrique et de peroxyde d’hydrogène, qui dissolvent les tissus entièrement. En fonction du degré de sensibilité exigé par le programme de surveillance, le digestat résultant peut être analysé par ICP-OES (spectrophotométrie plasma et émission optique à couplage inductif), ICP-MS (ICP et spectrométrie de masse quadripolaire simple), ICP-QQQ (ICP et spectrométrie de masse quadrupolaire triple) et, au besoin, FAVF (spectrophotométrie à fluorescence atomique à vapeur froide) pour les faibles concentrations de mercure.

Transmission des données

Les résultats sont généralement transmis comme « poids humide » ou « comme reçu » en milligramme par kilogramme (mg/kg) ou microgrammes par gramme (μg/g). Les résultats peuvent être corrigés pour le pourcentage d’humidité et rapportés comme « poids à sec ». En raison des pourcentages élevés d’humidité dans les tissus de poisson (de 70 à 90 %), les limites rapportées pour le « poids à sec » doivent être ajustées à la hausse. Le tableau 1 énumère les limites de détection possibles par ICP-MS avec aussi peu que 200 mg d’échantillon de tissus.

Assurance et contrôle de la qualité

La qualité du lot d’analyse est surveillée par la digestion et l’analyse de blancs de réactifs, d’échantillons de blancs fortifiés (contrôles du laboratoire) et de matériaux de référence certifiés (MRC). Puisque l’échantillon complet est digéré, un contrôle de la qualité par duplicata est possible si un fragment de tissus duplicata a été prélevé sur l’organisme. Cependant, cette démarche n’est pas toujours pratique et elle peut causer un traumatisme injustifié au poisson.

Accréditation de laboratoire

Bureau Veritas est accrédité pour la détermination des métaux dans les tissus de poisson par le Conseil canadien des normes (CCN) en vertu du Guide 17025 de l’ISO.

Tableau 1: Limites de détection rapportées (LDR) par ICP-MS dans des fragments de tissus de poissons de 200 mg par biopsie (échantillonnage non létal)

MÉTAUX UNITÉS FRAGMENT
(comme reçu)
FRAGMENT
(poids à sec*)
Aluminium (Al) total mg/kg 0,5 2
Antimoine (Sb) total mg/kg 0,002 0,008
Arsenic (As) total mg/kg 0,005 0,02
Baryum (Ba) total mg/kg 0,01 0,04
Béryllium (Be) total mg/kg 0,002 0,008
Bismuth (Bi) total mg/kg 0,00125 0,005
Bore (B) total mg/kg 0,2 0,8
Cadmium (Cd) total mg/kg 0,00125 0,005
Calcium (Ca) total mg/kg 4 16
Chrome (Cr) total mg/kg 0,025 0,10
Cobalt (Co) total mg/kg 0,00125 0,005
Cuivre (Cu) total mg/kg 0,0125 0,05
Fer (Fe) total mg/kg 0,25 1,0
Plomb (Pb) total mg/kg 0,00125 0,005
Lithium (Li) total mg/kg 0,1 0,4
Magnésium (Mg) total mg/kg 0,4 1,6
Manganèse (Mn) total mg/kg 0,01 0,04
Mercure (Hg) total par ICP-MS mg/kg 0,0125 0,05
Mercure (Hg) total par FAVP mg/kg 0,002 0,008
Molybdène (Mo) total mg/kg 0,008 0,032
Nickel (Ni) total mg/kg 0,01 0,04
Phosphore (P) total mg/kg 2 8
Potassium (K) total mg/kg 2,5 10
Sélénium (Se) total mg/kg 0,01 0,04
Argent (Ag) total mg/kg 0,00125 0,005
Sodium (Na) total mg/kg 2,5 10
Strontium (Sr) total mg/kg 0,0125 0,05
Thallium (Tl) total mg/kg 0,0004 0,0015
Étain (Sn) total mg/kg 0,02 0,08
Titanium (Ti) total mg/kg 0,125 0,5
Uranium (U) total mg/kg 0,0004 0,0016
Vanadium (V) total mg/kg 0,02 0,08
Zinc (Zn) total mg/kg 0,2 0,8

*LDR (poids à sec) basées sur un échantillon à 75 % d’humidité, c.-à-d. 25 % de solides 

Références

[1] Ackerson, J. R. et coll. : « Implementation of a Non-lethal Biopsy Punch Monitoring Program for Mercury in Smallmouth Bass, Micropterus dolomieu Lacepede, from the Eleven Point River, Missouri. » Bull. Environ. Contam. Toxicol. 2014 : 92, p. 125-131.

[2] Crawford, B.A. et coll. : « Technique for Rapidly Taking Samples of Skeletal Muscle from Live Adult Steelhead Trout », The Progressive Fish-Culturist, 1977, 39:3, p. 125.