Laboratoire

Analyse des biomarqueurs pétroliers

mar. 22 2022

Une méthode polyvalente pour une caractérisation étendue par GC-MS

Certaines des questions de criminalistique environnementale les plus difficiles nécessitent une caractérisation détaillée des impacts des hydrocarbures à l’aide d’une analyse étendue par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (GC-MS) des composés biomarqueurs du pétrole. Bureau Veritas fournit cette analyse qualitative pour les échantillons d’eau, de sédiments, de sol et d’huile. Les résultats sont exprimés sous forme d’abondance relative des composés biomarqueurs de diagnostic clés, en plus d’une comparaison et d’une évaluation détaillées des chromatogrammes.

Les avantages de l’évaluation des composés biomarqueurs du pétrole sont que ces composés sont récalcitrants et donc résistants aux processus communs d’altération (comme la biodégradation) et aux processus typiques de raffinage du pétrole. Par conséquent, leurs profils de pics chromatographiques fournissent une « empreinte » importante de la charge initiale de pétrole brut, ce qui constitue un élément de preuve important et souvent irréfutable pour l’identification de la source.

Cette analyse détaillée peut être utilisée pour soutenir une caractérisation plus concluante des hydrocarbures dans les situations suivantes :

  • identification de la source de contaminants dans le sol, l’eau et l’huile ;
  • identification de la source dans les déversements d’hydrocarbures en mer ;
  • caractérisation détaillée des impacts pétroliers et différenciation de ceux-ci en fonction de leur source de pétrole brut ; et
  • établissement d’une chronologie approximative d’un déversement ou d’un rejet de diesel et de mazout.

Méthode d’analyse

L’analyse des biomarqueurs par GC-MS de Bureau Veritas est fondée sur une méthode de référence d’Environnement Canada [1]. Les méthodes de rapport des données viennent des protocoles d’identification des déversements d’hydrocarbures du Comité européen de normalisation (document CEN/TR 15522-2) [2].

Les échantillons sont extraits ou dilués, dans les cas où le produit libre est analysé, avec de l’hexane. Les fractions d’hydrocarbures aliphatiques et aromatiques sont séparées par chromatographie sur colonne. Cette séparation améliore considérablement la résolution chromatographique des groupes de composés cibles. Les extraits contenant les fractions aliphatiques et aromatiques sont analysés à l’aide d’un chromatographe en phase gazeuse couplé à un spectromètre de masse (GC-MS), fonctionnant en mode de balayage complet et en mode de surveillance des ions sélectionnés (SIM). La durée typique de cette analyse est de plus de 60 minutes afin d’optimiser la résolution des composés. Le mode de balayage complet saisit une plus grande quantité d’informations spécifiques au composé, ce qui permet de le caractériser, tandis que le mode SIM offre une sensibilité accrue pour identifier les groupes de biomarqueurs clés.

Rapport d’analyse

Cette analyse fournit des informations qualitatives détaillées sur les composés et groupes de composés biomarqueurs pétroliers cibles que l’on trouve couramment dans les distillats moyens à lourds (comme le kérosène, les diesels, les mazouts, les huiles lubrifiantes et les huiles hydrauliques), ainsi que dans le pétrole brut. Cette approche et la sélection des groupes de composés biomarqueurs sont conformes aux protocoles décrits dans le document sur l’identification des déversements d’hydrocarbures CEN/TR 15522-2 (du Comité européen de normalisation). Le certificat d’analyse fournit également des chromatogrammes détaillés (ions totaux et ions extraits), comparant les profils de pics chromatographiques entre les échantillons et par rapport aux matériaux de référence du laboratoire.

Les tableaux 1 et 2 présentent les groupes de biomarqueurs standard utilisés pour l’identification des sources sur la base des rapports de diagnostic (tableau 1) et ceux utilisés pour estimer la chronologie d’un déversement ou d’un rejet de distillats moyens sur la base du degré d’altération (tableau 2).

Tableau 1. Groupes de biomarqueurs pétroliers pour l’identification des sources

Isoprénoïdes (rapport m/z 85) Fraction aliphatique
Sesquiterpènes bicycliques (rapport m/z 123) Fraction aliphatique
Terpènes et hopanes tricycliques (rapport m/z 191) Fraction aliphatique
Stéranes et diastéranes (rapport m/z 217 et 218) Fraction aliphatique
Stéranes triaromatiques (rapport m/z 231) Fraction aliphatique

Tableau 2. Groupes de biomarqueurs pétroliers pour estimer la chronologie

Alcanes et isoprénoïdes (rapport m/z 85) Fraction aliphatique
Alkylcyclohexanes (rapport m/z 83) Fraction aliphatique
Alkylbenzènes (rapport m/z 91) Fraction aromatique

Interprétation des données

L’identification de la source des hydrocarbures pétroliers est fondée en partie sur une comparaison des biomarqueurs récalcitrants présents dans les produits pétroliers. La récalcitrance des biomarqueurs aux effets courants de l’altération, comme la biodégradation, se traduit par un profil de pic chromatographique cohérent qui ne change pas facilement dans des conditions environnementales normales. Il peut donc être utilisé comme une empreinte de la matière d’origine du pétrole brut.

L’évaluation des ratios de composés biomarqueurs spécifiques fournit un diagnostic important lors de la comparaison des résultats entre les échantillons ou par rapport à un matériau de référence standard. Ces rapports de diagnostic sont comparés pour déterminer le degré de cohérence entre les échantillons et, en définitive, la probabilité d’une correspondance. Si les rapports sont cohérents entre les échantillons, cela indique que les produits pétroliers caractérisés proviennent de la même matière première brute et donc de la même source.

Cette méthode n’est pas sans limites. La présence d’impacts multiples provenant de différentes sources de pétrole brut et de contaminants mélangés peut faire varier les rapports de diagnostic. De plus, bien que ces biomarqueurs soient plus résistants à la biodégradation que les hydrocarbures aliphatiques à chaîne droite, une exposition prolongée à des conditions d’altération environnementale extrêmes peut affecter les quantités relatives de composés spécifiques et contribuer également à la variabilité des rapports de diagnostic, conduisant à des évaluations non concluantes.

Sur la base des orientations définies dans le document CEN/TR 15522-2, les produits pétroliers sont considérés comme concordants, c’est-à-dire qu’ils proviennent de la même matière première brute si plus de 50 % des rapports de diagnostic se situent dans une différence relative en pourcentage (DRP) de ≤14 %. L’image ci-dessous fournit un exemple de graphique de la différence relative des ratios de biomarqueurs sélectionnés (sesquiterpènes bicycliques) entre deux échantillons de sol.

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Rapports de diagnostic des biomarqueurs

L’évaluation visuelle et la comparaison des données qualitatives saisies dans les chromatogrammes des échantillons offrent également des éléments de preuve précieux pour la caractérisation des impacts et l’évaluation du degré d’altération. Comme la méthode fournit des résultats distincts pour les composants aliphatiques et aromatiques d’un impact, les deux ensembles de données chromatographiques peuvent être utilisés pour comparer différents échantillons, renforçant ainsi la preuve.

Le degré d’altération d’un produit pétrolier peut être évalué à l’aide de composants hydrocarbonés spécifiques, notamment les n-alcanes, les isoprénoïdes, les alkylcyclohexanes et les alkylbenzènes. Cette évaluation, associée à d’autres sources de preuve, peut être utilisée pour estimer le moment où le déversement ou le rejet d’un distillat moyen a pu se produire. Pour fournir une estimation du moment où un rejet a pu se produire, il est important de disposer d’informations détaillées décrivant les conditions in situ, par exemple le potentiel redox (potentiel d’oxydoréduction), les conditions aérobies et anaérobies, l’humidité, la contamination des eaux souterraines, entre autres. Ces conditions sont nécessaires pour établir le régime d’altération spécifique au site.

L’image ci-dessous illustre une façon dont la méthode des biomarqueurs, utilisant et étendant l’analyse par GC-MS, peut être utilisée pour évaluer les chromatogrammes de différents constituants d’un impact pétrolier.

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Petroleum Biomarker Figure 2 French

Références

[1] Environnement Canada, 2017. Analyse et identification de la source du pétrole et des produits pétroliers transportés par navire dans les échantillons d'oiseaux mazoutés et les matrices environnementales.

[2] Comité européen de normalisation (CEN), 2012. Identification des déversements d'hydrocarbures - Pétrole et produits pétroliers transportés par navire - Partie 2 : Méthodologie analytique et interprétation des résultats basés sur des analyses GC-FID et GC-MS à faible résolution. Rapport technique 15522-2.